I was about sixteen the first time I read this. I can't overstate what an
impact it had on me. It gave me my first taste of prose poetry.
The Toy of the Poor -- Charles Baudelaire
I want to suggest an innocent diversion. So few amusements involve no guilt!
When you go out in the morning, determined only to wander up and down the highways, fill your pockets with little gadgets that cost no more than a sou—like the flat puppet worked by a single string, the blacksmith beating on an anvil, the rider and his horse, with a tail that works as a whistle—and in front of taverns, or under the trees, give them out as gifts to the unknown poor children you encounter. At first, they won’t dare to take them; they won’t believe their good fortune. But then their hands will eagerly snatch up the present, and off they will flee, as cats do when they go far away to eat the morsel you have given them, having learned to distrust people. Down one road, behind the gate of an enormous garden, at the back of which could be seen the whiteness of a pretty chateau struck by the sun, stood a fine and fresh child, dressed in those country clothes that are so coyly attractive. Luxury, the absence of worry, and the habitual spectacle of wealth make these children so pretty that one would think them made from a different mold than the children of mediocrity or poverty. Next to him on the grass lay a splendid toy, as fresh as its master, gleaming and gilded, wearing a purple outfit, covered with little feathers and glass beads. But the child was not playing with his favorite toy; instead, this is what he was watching: On the other side of the gate, on the road, among the thistles and nettles, there was another child, dirty, puny, soot-covered, one of those pariah-animals in which an impartial eye would detect beauty if, like the eye of the connoisseur detecting an ideal painting beneath a layer of varnish, he could wash off the repulsive patina of poverty. Through this symbolic barrier separating two worlds, that of the highway and that of the chateau, the poor child was showing his own toy to the rich one, who examined it eagerly as if it were some rare and unknown object. Now, this toy that the dirty little child was provoking, tossing and shaking in a box with a grate—was a live rat! The parents, through economy no doubt, had taken the toy directly from life itself. And the two children laughed with each other fraternally, smiling with teeth of an equal whiteness. -- Charles Baudelaire, Paris Spleen
VERSION ORIGINALE
Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne soient pas coupables !
Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes, remplissez vos poches de petites inventions d'un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir démesurément. D'abord ils n'oseront pas prendre ; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont manger loin de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l'homme.
Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait :
De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, pâle, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.
Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale blancheur.
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